Nouveautés en jazz, juin 2013

 

Sur un nouveau label, « Hâtive ».

En ces temps difficiles, la naissance d’un nouveau label est une de ces nouvelles qui laisse à penser que le soleil, même bien caché, existe, que la terre est ronde.

Un trio et un quartet se partage l’actualité.

Actualité ? « Transe lucide » a été enregistré fin août 1991 et… jamais paru jusqu’à aujourd’hui. Les raisons sont sans doute financières, du moins on le suppose. Dans ces années 1990 marquées par la victoire du libéralisme économique, ce ne serait pas le seul laissé pour compte. Un trio non rentable ? Tout dépend de votre définition de la « rentabilité ». En tout cas, un trio – Jean-Sébastien Simonoviez, piano, Jean-Jacques Avenel, basse et Tony Moreno, batterie – qui fonctionne, une musique nourrie de Monk et des musiques du monde pour construire une musique qui ne peut pas vieillir. Se croisent les références, Colette Magny et Steve Lacy pour Avenel, Dave Liebman pour Tony Moreno, Keith Jarrett bien sur pour le pianiste qui sait soulever à l’aide de son imagination ce qui pourrait sembler une chape de plomb. Tout passe ici, l’écho du blues, de la Roumanie et surtout de la fée de Nerval sans doute qui parlait des « cris de la fée ».

Un trio qui réussit le tour de force qui a l’air simple de 1+1+1=3=1. 12 ans après, ils ont eu raison de le publier et pas seulement pour mémoire.

Le deuxième est bien dans l’actualité, encore que… Il a été enregistré en août 2012 par Michel Marre, trompettiste chargé d’histoires de notre Histoire. Il en raconte une partie par le biais des photos de pochette. Il dédie cet album à sa mère morte quasi-centenairee et à… Clifford Brown. « Brownie » – comme tout le monde le surnommait – est mort un matin brumeux sur une route des États-Unis entre deux « dates », dans sa voiture conduite par la petite amie bigleuse de Richie Powell. Pour eux, la terre s’arrêtera de tourner ce 26 juin 1956. Ils auraient dû se méfier de cette succession de 6… Mais ces signes là ne sont lisibles qu’après… Clifford s’est approché de la perfection sur cet instrument difficile, la trompette. Difficile de l’égaler. Il fallait prendre des chemins de travers. C’est que fait Michel Marre, reprenant la composition de Benny Golson, « I remember Clifford » – titre aussi de cet album, sorte d’hommage à la trompette et à l’improvisation. Pour ce voyage, Michel n’a pas lésiné sur les compagnons. Alain Jean-Marie, pianiste à la fibre balladeuse – la ballade en jazz est difficile ni rapide, ni lente – d’un goût toujours juste, Yves Torchinsky, l’un des bassistes qui comptent et Simon Goubert, batteur dans la lignée de Elvin Jones.

Le tout fait succéder des standards, des impros et un hommage à un pianiste compositeur qui reste dans nos cœurs, Mal Waldron. Commencer par « I remember Clifford » et terminer par « Body and Soul » – en duo s’il vous plait avec Alain Jean-Marie -, un thème qui ne peut que susciter les souvenirs, pourrait devenir une des définitions du jazz.

Nicolas Béniès.

« Transe lucide », Simonoviez/Avenel/Moreno ; « I remember Clifford », Michel Marre ; « Hâtive » distribué par « believe ».