Le coin du polar.
La Corse, île de Beauté mais aussi nid de vipères où les natios et les gangs s’affrontent ou se soutiennent. Les RG surveillent tout ce petit monde avec beaucoup de difficultés. Les Continentaux se reconnaissent vite. Alix Deniger a voulu raconter les dérives de ce monde isolé qui ne sait plus mettre de frontières entre sa sauvegarde personnelle et celle d’un idéal qui semble hors de portée. Une histoire de morts pour rien, de barbouzes et de lutte pour le contrôle de l’île. A la fin, personne ne gagne, mais ceux qui ont perdu ce sont ces jeunes gens – les filles sont très absentes – qui ont vu la possibilité d’une vie facile et se retrouve au cimetière. Un beau gâchis. « I Cursini » se veut la chronique de cette Corse là. Dommage que ce soit écrit un peu trop au fil de la plume.
La banlieue, une autre île moins de Beauté autant de casse même si elle est différente. Hervé Decca, ex enseignant dans ce Val de Marne qui sert de toile de fond à ce faux vrai polar, « 404 not found » – pour analphabète. Un enlèvement, une enquête des flics, l’embrassement des quartiers, la famille, les grands frères, le racisme interne aux communautés, la guerre des gangs, la police ouverte et une autre raciste, remonté contre les jeunes, la vie de ces Cités. Le lycée Ravel – le Boléro n’est pas loin -, avec ses élèves qui veulent s’en sortir – les filles surtout – et d’autres qui s’installent dans l’absence d’avenir et refusent de « passer le pont », d’aller à Paris, ses profs qui essaient de faire leur métier, se réunissent en assemblée générale face à une administration qui n’a plus de moyens et un manque criant d’adultes, le lycée qui reste malgré tout une sorte d’îlot de résistance. Pour le reste la violence contre les filles, les petits règne en maîtresse exigeante. Une fresque ! le fil directeur de l’enquête fait passer l’essentiel, la nécessité de développer les biens communs.
Le Tennessee est un endroit isolé, rurale et pauvre en ces années 1940. les soldats revenus de la guerre en Europe soigne leurs cauchemars et d’autres vont vivre un cauchemar à l’ensemble de la population. La vieille lutte du Mal et du Bien – la Bible exerce toute son influence mais ce fut le cas aussi pour Faulkner et pour beaucoup de ces écrivains du Sud des Etats-Unis – revit sous la plume d’un de ces grands écrivains découverts sur le tard. Pour nous, trop tard. William Gray est mort en février 2012. Il venait juste d’être reconnu après avoir exercé longtemps les métiers du bâtiment. « La demeure éternelle » est l’un de ces romans qui laisse une trace indélébile dans votre mémoire. Le style tient la dragée haute à celui de tous ceux et celles qui l’ont précédé. Une vision sombre du monde, un monde rempli de violences et de souffrances. Il reste la lumière même si elle est ténue. Alimenter cette flamme est l’un des objectifs de cet auteur. Qu’il faut découvrir.
Les Etats-Unis servent de toile de fonds à ce raconteur d’histoires qu’est James Hadley Chase – René Brabazon Raymond pour l’état civil britannique. Folio a la bonne idée de nous proposer trois romans, moins connus que « Pas d’orchidées pour Miss Blandish », en l’occurrence « Tu me suivras dans la tombe », « Passez une bonne nuit » et « C’est pas dans mes cordes ». Des portraits de femme libérée – appelées ici « garces » – qui savent ce qu’elles veulent, des hommes veules dans l’ensemble, respectueux de toutes les conventions sont des thèmes qui se retrouvent dans chacune de ces enquêtes. Peux-t-on classer Chase parmi les féministes ?
Nicolas Béniès.
« I Cursini », Alix Deniger, Série Noire/Gallimard ; « 404 not found », Hervé Decca, Actes noirs/Actes Sud ; « La demeure éternelle », William Gay, Policiers/Seuil ; « Tu me suivras dans la tombe et autres romans », James Hadley Chase, Folio/policier.