Enfermement sur le « moi », sans « nous »

Peut-on devenir « soi » ?

Les réseaux sociaux bruissent de ces méthodes qui promettent de devenir soi même, sans entrave, en se laissant aller appelées « développement personnel » pour exister face aux autres et pour produire la productivité la plus importante pour être reconnu.e. Thierry Jobard dans ce petit essai nécessaire, titré justement « crise de soi », dévoile la face sombre de cette connaissance de soi. Le constat de départ : les institutions traditionnelles, la famille, l’école et même l’Etat ne fournissent plus le cadre commun qui permet de partager des règles sociales et collectives. La crise politique globale dans laquelle nous nous enlisons sans projet global de société, provoque cet appel d’air vers l’individualisme qui passe par l’intériorisation de toutes les contraintes sociales.
L’auteur démontre qu’il s’agit de faire accepter les règles de la concurrence de tous contre toutes et tous pour transformer les règles temporaires du système économique actuel dit capitaliste néolibéral en des règles éternelles, « naturelles » et non plus sociales.
Le soi-disant « développement personnel » va de pair avec la pression exercées par les milliardaires pour imposer une seule vision du monde et tuer dans l’œuf toute possibilité de changement, y compris la lutte contre le réchauffement climatique, pour sauvegarder leurs intérêts.
Plus encore, démontre l’auteur, le virtuel en pénétrant, avec notre assentiment, dans tous les recoins de notre vie intime, crée une nouvelle forme de domination qui pourrait tuer toute capacité d’imaginer un autre monde. Le risque est grand d’un enfermement dans la seule acception de la société telle qu’elle est pour tuer toute révolte, sans parler de révolution. .
Cet essai pose des questions fondamentales sur notre avenir.
Nicolas Béniès
« Crise de soi », Thierry Jobard, 10/18 collection « Amorce ».