Pourquoi ne pas (se) faire de Cadeaux ?

Mystère et boules de Monk

Thelonious Monk, compositeur et pianiste, reste l’une des influences majeures du jazz et au-delà – Berio par exemple -, lui qui fut rejeté comme un paria dans la création du be-bop après la deuxième guerre mondiale. L’apparent hermétisme de ses compositions lui a permis de résister même après sa mort en 1982. Il fallait bien un Beau Livre pour lui rendre justice. Franck Médioni l’a fait réunissant textes et illustration pour faire découvrir Monk, au travers de dessins, peintures et témoignages qui soulignent sa place essentielle.
« MONK Mystère », Sous la direction de Franck Médioni, Éditions Seghers


Définitions de la musique

Organiser des sons, des bruits est la définition la plus simple de la musique. Messiaen s’est servi du chant des oiseaux mais, et c’est la question que posent les auteurs, ne pourrait-on pas prendre en compte les langages des autres espèces ? Certaines ont disparu, d’autres dépérissent, recueillir leur chanson pourrait s’inscrire dans la lutte pour conserver la biodiversité. « Musicanimale » est un bestiaire d’un nouveau genre. Un cadeau nécessaire et…beau.
« Musicanimale. Le grand bestiaire sonore », sous la direction de Marie-Pauline Martin et Jean-Hubert Martin avec des illustrations Julien Salaud, Gallimard/Musée de la Musique – Philharmonie de Paris.

Un champ à explorer
Alain Bergerat a voulu donner de la chair à l’Histoire en se penchant sur les mémoires conservées que sont les chansons qui nous restent quand on a tout oublié. En 17 chapitres, Pour « L’Histoire de France à travers chants », il aborde les thèmes essentiels qui courent à travers les âges. L’amour bien sur – seulement en 7e position -, mais aussi les chansons ,des femmes, de libération sexuelle, de révolution… précédé par un appel « Et si les historiens écoutaient les chansons » et de la visite de « La fabrique des chansons ». A chaque pas, une explication des termes qui évoluent et une mise en situation historique. Superbe.
« L’Histoire de France à travers chants », Alain Bergerat, Éditions L’Oiseau Livre

Le polar ethnologique
Arthur Upfield, le créateur de cette branche, a entraîné dans son sillage Tony Hillerman qui s’est penché sur les us et coutumes du peuple Navajo d’abord via le lieutenant Joe Leaphorn puis de son adjoint Jim Chee. Rivages propose « La trilogie Jim Chee » pour suivre à la fois les enquêtes mais aussi le destin d’un homme déchiré entre la tradition et la modernité, l’intégration via l’amour et les coutumes, sa culture spécifique. Une manière de raconter les États-Unis, leurs difficultés à reconnaître les revendications des « Natives » – à qui les colons ont pris leurs terres – mais aussi nos propres contradictions secouées que nous sommes entre conservation et intégration.
« La trilogie Jim Chee : Le peuple des ténèbres, Le vent sombre, la voie du fantôme », Une carte du pays Navajo sert de couverture du livre, Tony Hillerman, traduit par Danièle Bondil et Pierre Bondil, Rivages/Noir

La science fiction est chinoise

Liu Cixin est désormais très connu. Il utilise ses connaissances scientifiques pour dessiner un monde étrange sinon étranger à l’humanité. « L’équateur d’Einstein » est un recueil de nouvelles qui permet d’entrer dans ses univers, sorte de dramaturgie cosmique qui interroge la science mais aussi la forme de nos sociétés. Un grand écrivain tout court.
Chen Qiufan est le cadet de Cixin de 18 ans et creuse une autre direction de la S-F, l’extrapolation des tendances du présent dans « L’île de Silicium » qui part des « déchetiers » – ceux et celles qui ramassent les métaux dans les déchetteries pour un salaire de misère – qui pourraient trouver une « prothèse » étrange provoquant des affrontements entre les investisseurs américains et « écoterroristes ». Un possible qui fait peur.
« L’équateur d’Einstein, nouvelles complètes volume 1 », Liu Cixin, Actes Sud/Exofictions
« L’île de Silicium », Chen Qiufan, Rivages
Les deux ouvrages traduit Gwennaël Gaffric

Redécouvrir notre histoire à travers celle des femmes.
« Femmes remarquables du Moyen Âge « , plus exactement du VIIe au XIVe siècle, fait découvrir une période considérée souvent comme sombre et masculine. Janina Ramirez montre qu’il n’en est rien, que les femmes avaient droit de cité. L’oubli est celui des civilisations modernes. L’histoire des femmes permet de revisiter l’Histoire. Une grande leçon.
« Femmes remarquables du Moyen Âge », Janina Ramirez, traduit de l’anglais par Séverine Weiss, autrement éditions

Pour une histoire polyphonique
La mode est aujourd’hui de faire se dialoguer les Histoires, les mémoires, les civilisations. A juste raison. Dans « L’Afrique et le monde, histoires renouées » les contributions soulignent à la fois les violences, les dominations coloniales ou impérialistes mais aussi les échanges commerciaux et culturels, une sorte « d’histoire mondiale de l’Afrique, une histoire africaine du monde ». Manière d’interroger notre monde. Un cadeau inévitable.
« L’Afrique et la monde, histoires renouées, de la préhistoire au XXIe siècle », sous la direction de François Xavier Fauvelle et Anne Lafont », La Découverte/Histoire Monde.

Musique
« West Side Story » redevenu à la mode. Un coffret de deux CD qui reprend B.O. du film de 1961 – réalisateur Robert Wise, musique de Leonard Bernstein – et d’autres interprètes.
« Nino Rota, bandes originales de films », des musiques comme autant de madeleine de Proust, un coffret de trois CD, un livret réduit à sa plus simple expression.
« The Birth of British Rock, 1948 – 1962 », coffret de 3 CD pour conserver notre mémoire. livret de Bruno Blum
Enfin entendre la musique de français d’Amérique, la musique « Cajun », volume 2 qui couvre les années 1946-1962″ avec un livret bien documenté de Jean Buzelin. A découvrir
Le tout chez Frémeaux et associés.

Des repères nécessaires
Flammarion a eu la bonne idée de faire traduire cette « Chronologie universelle », sous titrée un peu trop radicalement « Toute l’histoire de l’humanité », d’un collectif d’historiens principalement anglo-saxons. Une iconographie intelligente oriente le regard pour découvrir les trésors, architecturaux, littéraires, musicaux et même technologiques ou scientifiques. Beaucoup de référence à l’histoire de l’Inde, peu connue. Aucun domaine n’est ignoré même s’il est traité de trop succinctement – y compris les mutations climatiques – mais donne envie d’en savoir plus. Tel que, elle permet de montrer les différentes civilisations pour comparer les mémoires du monde. Un cadeau nécessaire.

« Chronologie universelle », Flammarion

Etonnant !
« L’étonnant pouvoir des couleurs » laisse place à des interrogations sur notre perception, notre capacité à laisser les couleurs décider à notre place. Jean-Gabriel Causse fait appel à toutes les sciences pour expliquer comment notre cerveau voit – et il ne voit pas tout – et la manière dont les couleurs nous conditionnent et appellent des réactions prévues, tellement les êtres humains réagissent de la même manière aux stimuli. Parfois il s’appuie un peu trop sur les neurosciences, parfois il grandit un escroc – un gars qui porte des antennes et pourrait savoir si votre alarme est branchée – mais il sait faire une grande place à l’esthétique. Il arrive à nous faire douter de notre capacité humaine à décider consciemment. De la grande œuvre.
« L’étonnant pouvoir des couleurs », Jean-Gabriel Causse, Flammarion.