Coups de cœur littéraires

Pour une BD sociale et politique
« Le choix du chômage »
Benoît Collombat, journaliste et Damien Cuvillier, dessinateur qui sait évoquer les situations par la (à peine) caricature et par la juxtaposition de deux personnages ou situations. Collombat fait la démonstration que « De Pompidou à Macron », la lutte contre le chômage est resté une « story telling », une histoire que les politiques se racontent au coin d’un feu de fantasmes. « Tout a été fait pour vaincre le chômage » est une affirmation entendue encore qui n’a aucune réalité. Une démonstration nécessaire et une leçon de politique économique. L’objectif est toujours le même : baisser le coût du travail et le chômage est d’une arme efficace pour ce faire. C’est aussi une « Enquête sur les racines de la violence économique », le sous titre de ce brulot qui permet aussi de comprendre une des raisons de l’abstention massive.
Futuropolis, préface de Ken Loach


Pour une biographie illustrée

« Bob Dylan, No Direction Home »
Robert Shelton, un ami de Bob Dylan, le raconte dans le détail, photos à l’appui, en se mettant lui-même en scène. Une plongée nécessaire dans notre patrimoine commun et dans les États-Unis de ces années curieuses et dramatiques marquées du fer rouge de la guerre du Vietnam, des révoltes de la jeunesse décidée à construire d’autres quotidiens, d’autres futurs. La musique, le rock, le free jazz, fut un des véhicules de la prise de conscience collective. Dylan a fait partie de cette révolte et a été l’un de ses porte paroles. La nécessité de sa biographie est toute entière dans l’Histoire de notre temps, de ce 20e siècle qui n’en finit pas d’exercer ses effets. Comme si le 21e n’arrivait à se libérer et rompre son cordon ombilical.
Flammarion, avant-propos et postface de Elizabeth Thomson, traduit par Héloïse Esquié

Pour une définition du journalisme
« L’Évasion d’un guérillero »
John Gibler, journaliste, s’interroge sur son métier et l’interroge dans le même temps. Il a consacré une trilogie au Mexique – dont c’est le 3e volet – et sur comment « Écrire la violence », sous titre de ce livre ? Ici le parcours d’un combattant Nahua détenu et torturé par l’armée mexicaine en 1996. la description est violente, elle laisse un goût amer et ouvre à des questions étranges :comment un être humain peut infliger autant de supplices à un autre être humain ? En fonction de quelles valeurs ? Pour le comprendre, l’auteur utilise tous les procédés narratifs pour faire son métier. le journalisme est un sport de combat qui suppose d’abord d’analyser le contexte, l’histoire et ne jamais se contenter ni des émotions ni d’un seul fait. L’explication mono causale est un leurre.
Éditions ici-bas, traduit par Simon Prime et Anna Touati, Préface de Joseph Andras

Pour une présentation bizarre du Capital
« Marx en liberté »
Serge Ressiguier a voulu écrire une introduction à la lecture du Livre I du Capital de Marx mais en prenant un biais comme l’indique le sous titre : « Humour et imaginaire dans Le Capital ». Il souligne les références implicites et explicites qui permettent de pénétrer dans l’univers de ce grand penseur. C’est un éclairage inédit et un plaisir, celui de la découverte. Comme une révision de nos références culturelles. Par la force de la répression, Marx s’est approprié profondément les acquis des grandes nations européennes dont il se sert abondamment. Il ne faut pas croire à un étalage sans ,justification. Au contraire, c’est un éclairage dont le lecteur a besoin. Pour tous ceux et celles encore trop nombreux qui n’ont pas lu Marx !
« Marx en liberté », Le temps des cerises

Pour l’amour du Jazz et de la poésie
« chaos, cosmos, musique »
Une trilogie que Alexandre Pierrepont décline en poète qu’il est. Le sujet explicite, le jazz et surtout celui de Chicago tel qu’il se réalise aujourd’hui, en lien avec ses histoires. L-anthropologue pointe son nez pour donner de la chair à ses ouvertures, à ses possibles poétiques. Dans la lignée de Michel Leiris, démontrant que la poésie est nécessaire sinon fondamental pour comprendre la culture de l’Autre, que le jazz est un excellent médiateur pour réaliser cette rencontre.
Alexandre Pierrepont, comme l’indiquait déjà le titre de son premier livre, se réfère à tout le « champ jazzistique » pour un voyage dans notre monde, celui qui n’oublie pas ses mémoires. Il rejoint la définition du jazz que donnait Jean Cocteau : « la catastrophe apprivoisée ». Il sait aussi, grâce à son label, « The Bridge », le pont, réunir musicien.ne.s français et chicagoans. Les concerts sont aussi des moments nécessaires de création. Du chaos peut naître un monde différent qui sait se référer au cosmos pour créer une musique universelle du bonheur. Un vaste programme qui est loin d’être terminé.
Éditions MF, collection Répercussions