Entre la fin et le début. Histoires noires de notre temps.
Portrait d’une Amérique profonde.
William Gray (1941-2012) est considéré, aux Etats-Unis comme le maître du « Southern Gothic », un genre qui mélange allègrement le noir avec des ingrédients tenant du grotesque ou du surréel venant en droite ligne de Faulkner et de ses personnages maléfiques dessinés par ce Sud des Etats-Unis toujours marqué par la guerre de Sécession. « Stoneburner » se partage en deux parties. « Thibodeaux », le nom de l’ami de Stoneburner, détective privé pour respecter les codes du roman noir, vit une drôle d’aventure, une sorte de rêve éveillé qui tourne au cauchemar et semble échapper à toute rationalité. La deuxième partie, « Stoneburner », vient apporter une apparence de raisons à une épopée maudite. En arrière-fond le traumatisme de la guerre du Vietnam qui avait réuni les deux amis.
Entrée dans le monde bizarre de William Gray pour approcher les codes de ce « South Side » comme on dit là-bas.
Nicolas Béniès
« Stoneburner », William Gray, traduit par Jean-Paul Gratias, Gallimard/Noir.
Histoire cachée du Havre.
Philippe Huet longtemps rédacteur en chef adjoint de Paris Normandie a voulu, dans « Une année de cendres », raconter l’histoire de deux truands qui ont tenu Le Havre de la fin de la seconde guerre mondiale à 1976. 30 ans de règne ! Qui s’achève dans le sang et les trahisons. Pour survivre, il faut continuer à avoir des projets de développement, quel que soit son âge. Dans le gangstérisme comme dans le business il faut savoir grandir sinon c’est la mort. Le capitalisme fait subir les mêmes lois à tous les protagonistes dont le but avoué est le profit. Drôle de morale pour une histoire étrange qui voit tous les personnages s’agiter en vain sous le regard d’un journaliste témoin de son temps.
Le Havre comme on le voit rarement.
N.B.
« Une année de cendres », Philippe Huet, Rivages/Noir.
Une saga argentine, tango et milonga.
Raoul Argemi, aujourd’hui journaliste, romancier et homme de théâtre, fut, en 1975, un des acteurs de la lutte armée contre la dictature. Cette expérience sert de toile de fond à ce roman, « A tombeau ouvert ». Il raconte 40 ans d’errance, de luttes, de reniements, d’amour fou entre Buenos Aires et Barcelone. Les changements d’identité pour se faire accepter et, finalement, le retour en Argentine pour retrouver ses « complices » et partager un trésor de guerre.
La mélancolie nappe les pages de cette histoire dans l’Histoire. Tout un pan de ces combats pour la démocratie et la révolution a été trop souvent oublié. Il faut prendre ce livre comme un torrent de mémoires, de souvenirs, comme une piqûre d’un 20e siècle qui a trop tendance à disparaître.
Un roman vrai.
N.B.
« A tombeau ouvert », Raul Argemi, traduit par Alexandra Carrasco, Rivages/Noir