Aretha Franklin, Intégrale 1956-1962
« Re » – son diminutif – nous quittée cette année en plein mois d’août (le 16 exactement), elle qui n’a jamais voulu passer inaperçue, un comble. Frémeaux et associés a publié ce début d’anthologie reprenant un premier enregistrement de gospels réalisés dans l’Eglise de son père, le révérend C.L. Franklin, « Songs of Faith ». Elle a, alors, 14 ans et son père n’hésite pas à l’exploiter. Elle subit l’influence de la compagne du révérend, Clara Ward.
Suivront trois albums réalisés chez Columbia sous l’égide de John Hammond qui l’avait « découverte ». Albums jazz, avec le pianiste Ray Bryant puis avec un mini orchestre dont les participants sont restés inconnus. Elle n’est pas encore la « Re » qu’on connaît. Il faudra attendre son passage chez « Atlantic » sous l’égide de Ahmed Ertegun et Jerry Wexler, le producteur et découvreur de talents, pour qu’elle devienne « The Queen of Soul ».
Elle chante les standards du jazz plus à l’aise qu’on ne l’a dit mais pas encore dans la force de tous ses moyens. Quelque chose de Dinah Washington dans la manière d’aborder les thèmes sans le swing qui caractérise Dinah. Elle fait partie intégrante des mondes du gospel plus que du jazz. Mais ce passage lui permet de faire ses classes. Intéressant d’entendre sa personnalité s’affirmer notamment dans tous les thèmes liés plus ou moins au blues et au rock.
Un coffret de deux CD pour faire connaissance avec Aretha Franklin. Ce n’est pas le meilleur de sa production assurément, seulement les années d’apprentissage.
Nicolas Béniès
« The Indispensable Aretha Franklin, Intégrale 1956-1962 », présenté par Bruno Blum, Frémeaux et associés.
Pour Kurt Weil, des chansons éternelles.
Qui ne connaît « Mack the Knife », « Moritat » dans la version allemande ? Au moins la version de Louis Armstrong, de Ella Fitzgerald à Berlin en 1961, de Sonny Rollins – dans l’album « Saxophone Colossus » – et beaucoup d’autres. « L’opéra de Quat’ sous » fut un grand succès, Bertold Brecht était le responsable des dialogues de ce « Théâtre musical » comme aimait l’appeler Weil. Le Berlin des années 1920 brille des feux de la contestation mais aussi d’une volonté de lier l’art et la rue comme le fait le jazz. A l’instar du Bauhaus, Kurt Weil ne craint pas de dissoudre la tradition classique dans la musique populaire. Une révolution.
En 1935, comme la plupart des Juifs, il émigrera aux Etats-Unis pour se lancer dans une carrière de compositeur de Broadway. Il fera équipe avec Ira Gershwin, le frère de George, auteur des textes et participant d’une poésie populaire tout en ironie, humour teintés souvent de contestation de l’american way of life.
Cette anthologie en forme d’un coffret de trois CD restreint son champ aux musiciens et musiciennes de jazz qui subliment les compositions de Kurt Weil. Ce sera pour une prochaine fois pour les reprises de Boris Vian, les interprétations de Catherine Sauvage ou la renaissance du théâtre berlinois des années 20.
Telle que, l’anthologie permet de confronter différentes manières de recréer la musique de ce compositeur qui n’avait renié aucune de ses convictions, choix de vie. A un journaliste qui lui posait la question de son identité, il avait répondu : « Irving Berlin – l’un des grands compositeurs de Broadway, l’un des premiers – était un Juif d’origine russe, je suis un Juif d’origine allemande. »
La place de ce compositeur, né en 1900 et mort en 1950 est essentielle. La révolution fait partie intégrante de son ADN.
Nicolas Béniès
« Kurt Weill’s songs », coffret de trois CD choisis et présentés par Teca Calazans et Philippe Lesage, Frémeaux et associés.