Le coin du polar

L’Irlande du VIIe siècle
Peter Tremayne – Peter Berresford Ellis pour l’état civil – possède un don, celui de nous faire vivre au rythme de l’Irlande de 671 partagé entre traditions païennes et la loi de Rome qui cherche à s’appliquer dans tous les royaumes, une loi qu’il présente comme barbare face au bon sens des rois de ces contrées. Sa détective privée, Fidelma, la sœur du roi de Muman, avocate – pour utiliser des termes d’aujourd’hui -, férue de droit, est chargée de résoudre des crimes pour éviter des guerres tout en développant une argumentation juridique. Toutes les références que Tremayne multiplie dessinent l’architecture d’une société partagée entre différentes obédiences. C’est avec gourmandise que l’auteur nous fait partager son savoir. Pas seulement. Il réactualise quelques situations qui font la beauté du roman policier, comme l’assassinat porte apparemment fermée à clé sans autre possibilité d’entrer et de sortir. Ainsi le conseiller du roi, l’archevêque Ségdae, a été assassinée zen compagnie de son assassin, assommé, dans une chambre fermée à clé. L’assassin est donc l’homme assommé, un ami de l’abbé. Impossible mais comment le prouver ? Les habitués du meurtre en chambre close comprendront très vite sans que le plaisir de la lecture en soit gâché, dopé même par un voyage dans les contrées étranges de régions pas souvent visitées.

A la fin de « La pénitence des damnés », Fidelma, sans vraiment souffler, se lance dans une autre enquête qui se révélera double, « La nuit du porte-lumière ». Le fil conducteur, une forteresse isolée tenue par un abbé qui fait sa propre loi, une histoire de passion, de trafic, de prophétie et d’argent, des ingrédients nécessaire pour que la mayonnaise monte. Le point de départ, le vol d’une évangile non reconnue par la papauté, celle de Judas – qui, a priori existe réellement. Un texte interdit qui devait rester dans les archives, un texte qui sert d’arme de combat pour les prêtres qui contestent la toute puissance de l’Église catholique et romaine. Un texte sulfureux. Mais intéressant et plein d’une tolérance que cette Église en formation ne veut pas assumer.
Deux rendez-vous avec l’ex Sœur – elle s’est mariée avec Eadulf qui participe aux aventures – pour renouer les fils avec cette Irlande pétrie d’us et de coutumes pour comprendre une partie de notre passé. Tremayne est un excellent guide que l’on a du mal à quitter.
Nicolas Béniès.
« La pénitence des damnés », « La nuit du porte-lumière », Peter Tremayne, traduit par Corinne Derblum, 10/18, Grands détective et Grands Formats.