Pour l’UP Jazz du 11 janvier 2017

Bonjour,

Avant – que dis-je avant, pendant – les vacances, nous avons évoqué un des grands labels de la Côte Ouest, Pacific Jazz – devenu World Pacific Jazz – de Richard (Dick pour les intimes) Bock. La création du label se fit à l’instigation de Gerry Mulligan en 1952. Bock était réticent.
Pour cette session et pour fêter dignement ce début d’année 2017, nous allons évoquer un autre label qui va s’appuyer sur la fausse vraie existence du style west coast. Lester Koenig en sera l’instigateur et l’âme du label Contemporary Records. Il l’a fondé aux débuts des années 50.
Comme pour Pacific Jazz, il lui fallait un chef de file. Ce sera – cheville ouvrière s’il en fut – le batteur Shelly Manne. Lui et ses hommes – Shelly Manne and his Men – connurent la notoriété en faisant connaître Contemporary. Il intitulera cet album enregistré le 6 avril 1953 « West Coast Sound » et le tour était joué. Il sera réédité sous le nom de « Shelly Manne and his Men vol 1″. Il avait saisi auparavant, en 1952, Howard Rumsey’s Lighthouse all stars » (voir Pacific Jazz).
S’ajouteront le saxophoniste alto Art Pepper, le guitariste Barney Kessel – un des premiers à transcrire le bebop sur la guitare, tout en subissant l’influence de Charlie Christian et celle de Django Reinhardt -, le pianiste Hampton Hawes – il passa une partie de sa vie au pénitencier de San Quentin comme Art Pepper – et deviendra un ami proche de Lester Koenig. Le producteur fut très affecté par la mort du pianiste en mai 1977. Lester Koenig quitta ce monde le 21 novembre 1977. Son fils, John, pris les rênes du label sans parvenir à le faire vivre. Il fut racheté par Fantasy.
Aujourd’hui le label est en sommeil.
Lester Koenig avait commencé par publier du jazz New Orleans sous le label Good Time Jazz pour créer Contemporary aux alentours de 1950-51. Il avait passé un contrat exclusivité avec Shelly Manne. C’est le producteur qui eut l’idée des albums thématiques en reprenant les comédies musicales « en jazz ». Le premier opus, « My Fair Lady » a été un immense succès.
C’est lui aussi qui a créé l’école « West Coast » – qui n’en est pas une on l’aura compris – en intitulant ainsi son premier album enregistré les 6 avril et 20 juillet 1953.
Les créations de Contemporary et Pacific Jazz sont concomitantes.
Lester Koenig fut aussi actif dans le cinéma. On verra que ce sera aussi le cas de Norman Granz.. Il a abandonné cette activité très rapidement du fait du maccarthysme. Il a frôlé – ou a été ? – sur la liste noire. La chasse aux sorcières n’a pas épargné les mondes du jazz…
(à suivre)

Quelques exemples. Les pochettes reproduites ci-après ne sont pas forcément celles qui correspondent à la musique ^qui suit. C’est pour voir surtout le musicien. Les pochettes sont en général sur le modèle de Blue Note. Un travail de photographe et de mise en page.

Art Pepper, « Star Eyes », une composition marquée par le génie parkérien; extrait de l’album « Art Pepper meets the rhythm section », celle de Miles Davis, composée de Red Garland (p), Paul Chambers (b) et de Philly Joe Jones (dr), enregistré le 19 janvier 1957, un quasi anniversaire.

Le bassiste Curtis Counce dans « Complete », un thème de sa composition. Jack Sheldon (tp), Harold Land (ts), Carl Perkins (p) – un pianiste singulier qui se joue des basses avec son coude, mort avant sa trentième année -, Frank Butler (dr) – l’un des grands batteurs de ce temps qui ne voudra pas quitter sa côte ouest pour des « raisons personnelles ». Enregistré le 13 mai 1957.


Le pianiste Hampton Hawes pour « Blues the most, une composition du pianiste fortement inscrit dans la tradition du gospel, des questions/réponses tout en étant totalement lié au bebop. Ce qui montre que les différenciations entre les deux Côtes sont très ténues.Il est en compagnie de « Red » Mitchell, un des bassistes qui comptent – et du Chuck Thompson à la batterie. Enregistré le 28 juin 1955.

The Poll Winner, Barney Kessel, Ray Brown et Shelly Manne, « Minor Mood », une composition de Barney, guitariste, Ray Brown (b) – entre les deux mondes, swing et bebop – et Shelly. Pourquoi « Poll Winner » ? Dans leur catégorie, ils sont les premiers. Enregistré le 18 ou 19 mars 1957.

Ornette Coleman, texan, allait enregistrer ses deux premiers albums pour Contemporary. Le saxophoniste alto avait le goût – qu’il ne revendiquait pas – des provocations. Il en fallait du culot – ou le génie ? – pour intituler ce premier album « Something Else!!! » – quelque chose d’autre avec trois points d’exclamation – dont est tiré « Invisible », composition d’Ornette, avec Don Cherry (tp), Walter Norris (p) – il se séparera très vite du piano – Don Payne (b) et Billy Higgins (dr)