Errances new-yorkaises
Renaud-Gabriel Pion est un orchestre à lui seul. Piano, clarinettes, saxophones, english horn, Wurlitzer et d’autres bizarreries comme dictaphone, un appareil photo… Il pourrait donc se passer d’invités pour réaliser un album en solitaire multiple. Il considère pourtant que la rencontre avec d’autres pour donner vie à ses compositions est nécessaire. Iva Bittovà et Barbara Louise Gogan, chanteuses, Arto Lindsay, guitariste et vocaliste, Ryuichi Sakamoto, pianiste, Steve Argüelles, batteur, Vikyat Singh et Jayanta Bose, tablas et Erik Truffaz, trompettiste viennent prêter leur concours. Il fallait citer tous les noms pour indiquer que pour ce « New York Sketches », Renaud-Gabriel Pion a voulu dessiner des rêves mouvants de la ville-monde « qui ne dort jamais », de cette ville située sur le sol des Etats-Unis et qui est très américaine et un peu hors sol.
Se promener, comme le propose le compositeur, à New York c’est visiter le monde, une expérience à nulle autre semblable. Les cultures se parlent, se font obstacle, s’opposent pour mieux se retrouver au milieu d’un nul part. Même si les clubs de jazz ont, pour la plupart, disparus, même si la Ville changeante et mouvante n’est plus tout à fait ce qu’elle était, la magie opère. Des émanations des quartiers se retrouvent dans cette musique, des voix, des sons comme un saxophoniste assis devant la Bibliothèque et qui joue, seul assis sur un tabouret, avec une intensité telle que le passant que je suis s’arrête, l’écoute, essaie de saisir le thème… Et, soudain, le saxophoniste, jeune, se lève, rend la chaise et s’en va.
On comprend que le multi-instrumentiste privilégie ici le saxophone. Il est nécessaire pour l’évocation de cette Ville. Pour ses matériaux, il passe de la musique contemporaine au jazz, des musiques du monde au cri, composante de cette ville aux contours étranges, de cette « ugly beauty », une laide beauté dont parlait Thelonious Monk. Mis à part quelques longueurs, cet album donne à sentir la Ville.
Nicolas Béniès.
« New York Sketches », Renaud-Gabriel Pion, Dux Jazz