Le Royaume de France en 1624.
Vous avez lu « Les Trois Mousquetaires » ? Vous avez suivi la trame historique déployée par Alexandre Dumas, grand témoin de son temps romantique en diable. Vous n’aimez pas Richelieu. Le Cardinal aurait voulu gouverner contre le Roi, Louis XIII en l’occurrence, pour imposer sa politique.
Le Roi est présenté comme un faible, sous la coupe réglée de son Premier Ministre et de ses séides.
Et si la réalité historique faisait de Louis XIII un Roi qui décide et de Richelieu un dirigeant du Royaume qui non seulement réalise une sorte d’unité nationale – les mots n’ont pas tout à fait le même sens qu’aujourd’hui – mais construit l’Etat de la monarchie absolue en détruisant les restes de la féodalité et de l’économie domaniale fermée. Il fallait mettre au pas les nobles pour donner au Roi de France sa place de Suzerain.
Victor-Lucien Tapié dans « La France de Louis XIII et de Richelieu » combat toutes les idées reçues et dresse un portrait de ce pays qui subit des transformations d’importance. En 1615, Antoine de Montchrestien publie le premier « Traité d’économie politique » qu’il adresse au Roi. Il se situe dans l’école de pensée des mercantilistes qui dominent à ce moment là avec une différence, il prône le développement des manufactures.
Tapié donne une vraie leçon d’histoire. Il ne refuse rien. Ni le marxisme dont il se sert pour donner un aperçu de l’état des classes sociales et des groupes sociaux, ni de l’histoire chronologique, traditionnelle ni de l’école des Annales.
Un plaisir de découvrir l’état du Royaume de France à la mort de Henri IV en 1610, une mort bienvenue pour la plupart des dirigeants et à la fin du règne de Louis XIII.
Une synthèse qui permet de relire « Les Trois Mousquetaires » avec un autre point de vue. Une grille de lecture nouvelle qui ajoute au plaisir de l’épopée dumasienne.
Nicolas Béniès.
« La France de Louis XIII et de Richelieu », Victor-Lucien Tapié, Champs/Histoire.
Une histoire du quotidien, histoire des valeurs, histoire culturelle.
Il arrive que l’Histoire prenne des chemins de traverse. Graham Robb, historien et auteur d’une « Histoire de Paris par ceux qui l’ont fait » (Champs/Flammarion) et son épouse on t parcouru la France à vélo pendant quatre années. Il en résulte « Une histoire buissonnière de la France ». Une manière de raconter des histoires, à base de témoignages et de mémoire pour faire revivre les mœurs de nos ancêtres et essayer de comprendre des comportements d’aujourd’hui. Il ébauche un essai de « micros-civilisations » pour se pencher sur les « patois » comme on disait à l’époque de la Révolution et la nécessité d’imposer une même langue sur tout le territoire – c’est là le sens de la « République française une et indivisible » -pour traiter des légendes des provinces pour terminer, c’est l’Épilogue, sur tous les secrets qui empêchent l’historien de faire son travail.
Une manière de découvrir le pays, et pas seulement pour les étrangers. A force de raconter des histoires, on en oublie la méthode historique.
Nicolas Béniès.
« Une histoire buissonnière de la France », Graham Robb, Champs/Histoire.
La France de la fin du 19e
Alain Corbin, à force de recherches dans les archives, a reconstitué « Les conférences de Morterolles » – Morterolles se trouve dans la Haute-Vienne – données par M. Beaumont, instituteur et secrétaire de Mairie, à la population adulte entre 1895 et 1896.
Corbin sous titre son ouvrage « A l’écoute d’un monde disparu » et c’est bien de cette découverte dont il s’agit.
L’Instituteur zélé donne 10 conférences qui réunissent 1507 personnes au total pour une population de 643 habitants, enfants compris. On ne sera pas étonné de la forte proportion des hommes – 1162 – mais peut-être plus des thèmes abordés. Il commence par la conquête de Madagascar, haut fait du colonialisme et de l’armée française – il mettra aussi au programme « Algérie, Tunisie, Soudan » – qui donne une idée du climat de cette époque. Les héroïnes ne sont pas absentes. Jeanne d’Arc bien sur mais, plus bizarrement, Charlotte Corday présentée comme une partisane de l’unité nationale face à Marat. La Révolution française par l’intermédiaire de la bataille de Valmy mais aussi « Les grands rendements dans l’agriculture », « les bienfaits de l’union et de l’association » et même « La gelée, ses causes, ses effets » pour terminer par ce classique « Les bienfaits du travail ».
Une plongée dans cette France qui croît à l’Instruction et qui fait l’apprentissage de l’Ecole de Jules Ferry. Cette École qui veut apporter aussi la Connaissance aux populations adultes. Une vraie leçon d’histoire des mentalités.
Nicolas Béniès.
« Les conférences de Morterolles, hiver 1895 – 1896. A l’écoute d’un monde disparu », Alain Corbin, Champs/histoire.