Où est la sortie ?
Le dernier sommet européen des 22 et 23 novembre, sur le projet de budget pluriannuel (2014-2020), s’est soldé par un échec qui en dit long sur les forces centrifuges à l’œuvre dans cette Union Européenne à 27. Ce débat, entre les gouvernements des Etats-membres montre d’une part que la construction européenne reste fondamentalement inter-étatique, d’autre part que le Parlement européen a peu de pouvoir. Contrairement aux Parlements nationaux, il en discute – ou à la marge – du budget européen.
Austérité disent-ils.
Ce budget, pourtant, est aussi marqué par les politiques d’austérité. Il se réduit à 1% du PIB de l’ensemble des pays, soit le point bas de la fourchette, le point haut n’excédant pas 1,3%. Un budget de faible ampleur comparé aux nécessités de politiques communes – agricole, industrielle –nécessaires pour indiquer une sortie de la crise systémique. Le débat, comme à l’habitude, a opposé les pays du Nord, contributeurs nets – l’Allemagne en est logiquement le plus important – aux pays du Sud alliés aux pays de l’Est qui bénéficient des reversements via les fonds européens, notamment des fonds de cohésion. Le plus intransigeant a été David Cameron réclamant, comme Thatcher en son temps, « son chèque » que personne ne peut lui contester, Maggie l’avait fait inscrire dans le traité. Il représente les deux tiers de la différence entre ce que vers le pays et ce qu’il reçoit, il n’a cessé de gonfler et représente, en 2012, 3,6 milliards d’euros contre 1 milliard en 1984. L’Allemagne paie un quart, la France et l’Italie y contribuent depuis 1999 pour faire diminuer les parts de l’Allemagne, de l’Autriche, de la Suède et des Pays-Bas. Résultat, les Etats les moins riches surcontribuent au budget et ces dérogations rendent illisible la politique budgétaire. Un signe des temps. Cameron, plus idéologue libéral que jamais, a sorti la grosse artillerie contre les fonctionnaires européens, voulant à toute force baisser les dépenses administratives et sociales. Une goutte d’eau au demeurant dans l’océan des dépenses, 30 milliards d’euros rapportés à environ 1 000 milliards, en fait 973 milliards sur la période, après la proposition de Herman von Rompuy, le président du Conseil européen.
La dépression possible dans la zone euro.
Le débat se poursuivra début janvier, un sommet est déjà programmé. Un compromis sera vraisemblablement trouvé. Mais ce blocage laisse apparaître plusieurs failles. Le retour des égoïsmes nationaux d’abord. Chaque gouvernement raisonne en termes de « retour sur investissement », le français veut la poursuite de la Politique Agricole Commune (PAC) réduite à l’aide individuelle des agriculteurs, les riches luttent pour diminuer leur contribution et les autres se défendent comme ils le peuvent. L’absence de politiques communes pour combattre la crise systémique ne peut qu’affaiblir et l’Europe et les pays qui la composent. Les politiques d’austérité, comme le montre les exemples grecs, espagnols et portugais, est un non-sens. Elles ne permettent ni d’éviter la récession, ni de diminuer les déficits et l’endettement. Les dernières prévisions de l’OCDE – Organisation de Coopération et de Développement Economiques – revoient à la baisse les perspectives de croissance pour la zone euro. Elle parle d’une reprise hésitante et inégale pour 2013 et 2014. il est loisible de prévoir une nouvelle réplique de la crise financière qui se traduira par une récession plus prononcée.
Les perspectives actuelles devraient inciter à des politiques de relance, au développement des services publics pour élargir les biens communs permettant de lutter contre la pauvreté, les inégalités et favoriser la croissance. Au lieu de cette orientation, Barroso, le président de la commission, a proposé « une feuille de route pour la zone euro » avec une enveloppe budgétaire, sans lien avec le budget européen, pour aider les Etats qui s’engagent dans de lourdes réformes structurelles. Exemple, l’Espagne en train de réformer son marché du travail pour le rendre plus flexible – entendez en déstructurant le droit du travail – avec comme effet immédiat l’augmentation du chômage, serait aidée. Une carotte pour faire accepter ce type de contre réforme qui s’inscrit totalement dans les politiques d’attaques contre les acquis sociaux. Une erreur monumentale non seulement en termes éthiques mais aussi économiques. A trop jouer sur la baisse du coût du travail, la récession se transformera en dépression.
Nicolas Béniès.