Une politique monétaire inédite
La déflation est une réalité. Seules les banques centrales mettent en œuvre des moyens pour essayer de lutter contre elles. Sans effet. Pourtant, jamais la création monétaire n’a été aussi imposante, jamais les taux d’intérêt de refinancement n’a été aussi bas. Mais cette politique semble avoir atteint ses limites…
Les politiques économiques des pays développés, à commencer par ceux de l’Union Européenne, restent fortement ancrées dans le libéralisme économique qui leur fait obligation de l’austérité pour comprimer le déficit budgétaire. La baisse des dépenses publiques se traduit par une chute des investissements publics qu’ils soient le fait de l’État ou des collectivités territoriales. Le processus déflationniste actuel qui se traduit par la baisse des prix à la production devrait plutôt inciter les gouvernements à favoriser la croissance par un « choc » de la demande. Les gouvernements jettent un voile pudique sur la réalité en s’abritant derrière un faible taux d’inflation, de 0,1% en novembre pour la France.
Alimenter les marchés financiers.
D’où peut provenir le salut ? Des seules politiques monétaires apanage des banques centrales. Elles ont toutes suivi la même orientation, jusqu’au 16 décembre 2015. Baisser les taux d’intérêt d’un côté et ils sont partout proches de zéro tout en s’engageant dans un vaste mouvement de création monétaire pour à la fois soutenir l’activité, lutter contre la déflation et permettre aux marchés financiers de sortir de la crise financière ouverte en août 2007. Jamais le monde n’avait connu une telle expansion de la création monétaire. Ainsi la BCE – Banque centrale européenne indépendante de tout pouvoir démocratique – a annoncé la création de 60 milliards d’euros par mois jusqu’en septembre 2016 dans un premier temps, désormais, depuis le 3 décembre 2015, jusqu’en mars 2017 soit le passage de 1140 à 1500 milliards d’euros. Elle a d’abord racheté des titres de la dette publique des États de la zone pour aller vers le rachat de ceux des municipalités et des régions. Il est même question des obligations des grandes sociétés. L’objectif : fournir des liquidités aux banques et aux opérateurs financiers pour qu’ils puissent continuer à alimenter les marchés financiers tout en baissant l’ensemble des taux d’intérêt pour favoriser l’endettement des entreprises, de l’Etat et des ménages. Les conséquences attendues : l’augmentation de l’investissement des entreprises et, sur le terrain monétaire, la baisse de l’euro pour favoriser la compétitivité des entreprises.
Mario Draghi, le président de la BCE, s’est félicité de sa politique monétaire prétendant qu’elle avait permis de hausser le taux d’inflation de 0,5% tout en alimentant la croissance à hauteur de 0,4% suivant la dernière note de conjoncture de l’INSEE titrée « Résistance » – l’Institut ne fait pas la preuve d’un furieux optimisme pour 2016. Cette politique a habitué les marchés financiers à l’argent facile sans que l’investissement productif ne progresse significativement.
Des politiques monétaires divergentes
Le16 décembre 2015, la Fed, la banque de Réserve Fédérale américaine, a changé sa politique. Elle a décidé, un tournant, d’augmenter ses taux directeurs d’un petit 0,25% dans un premier temps faisant passer la fourchette de 0%/0,25% à 0,25/0,50% de manière à habituer les marchés à cette nouvelle donne. La raison de ce changement d’après Janet Yellen, la présidente, la bonne santé de l’économie américaine. Toute relative. La croissance, malgré la création monétaire, ne sera, pour 2015, que de 2,4%.
Les conséquences peuvent se conjuguer en catastrophes. La hausse du dollar face aux autres monnaies – et pas seulement l’euro qui pourrait être en dessous de 1 $ – sera l’étincelle qui mettra le feu à la plaine du surendettement des pays émergents et des autres. L’augmentation des taux d’intérêt à long terme (10 ans) qui s’ensuivrait ne resterait pas limité aux États-Unis. Les marchés financiers sont interconnectés et les taux des pays de la zone euros suivraient. Le service de la dette progresserait ainsi que les déficits…
Se dévoilent les limites d’une politique monétaire sans relais du côté des politiques budgétaires. La création monétaire libère les marchés financiers d’une part d’incertitude mais elle se heurte à de nouvelles contradictions qui tiennent à la formation de bulles spéculatives qui risquent d’éclater. L’incertitude se nourrit de nouvelles causes liées à de nouveaux fonctionnements de ces marchés. Les crises financières qui commencent à se dévoiler seront plus profondes avec moins de moyens pour les combattre.
Nicolas Béniès.