D comme Déficit et Dette.
Lutter contre les déficits est-il ne nec plus ultra de toute politique ? Est-ce une obligation ? Quel lien avec l’endettement de l’Etat ? Avec les réactions des marchés financiers ? Le déficit public provient à la fois du budget – les recettes sont inférieures aux dépenses – et des comptes sociaux. C’est un résultat comptable. Il n’est pas directement lié à l’endettement. Tout trésorier sait que les rentrées d’argent n’ont pas les mêmes échéances que les sorties, que, pour faire face à un besoin de financement, il est nécessaire de s’endetter. Ou de « monétiser » ce besoin. Autrement dit, de s’adresser à l’Institut d’émission, la banque centrale pour qu’elle crée de la monnaie. Ce pouvoir de « battre monnaie » fait partie des droits régaliens. Il a été utilisé pendant toute la durée des « 30 glorieuses », de 1945 à 1975. A de rares exceptions près, le déficit des finances publiques a toujours existé.
La loi a changé sous Pompidou et Giscard, en 1973, pour obliger le gouvernement à s’endetter, au lieu de faire appel à la « planche à billets ». La priorité était alors donnée à la lutte contre l’inflation. Les banques, intermédiaires financiers obligés à ce moment là, sont dans l’obligation de souscrire à ces emprunts d’Etat, qu’elles essaient ensuite de vendre à leurs clients.
Tout bascule dans les années 1980 avec la déréglementation financière et la montée exponentielle des marchés financiers. La dette est « titrisée », dépendante des opérateurs sur les marchés financiers, soumise à la spéculation comme tous les autres titres qui se négocient sur ces marchés. L’internationalisation des marchés financiers renforce la dépendance vis-à-vis de ces créanciers devenus anonymes. A l’exception des Etats-Unis où une grande partie des nouvelles obligations – une part d’emprunt – est directement souscrite par la Fed, la banque de réserve fédérale américaine. Contrairement à la BCE qui n’achète des obligations que sur le marché « secondaire », soit des obligations anciennes. Elle se refuse à suivre la voie ouverte par la Banque Centrale américaine de « monétiser » les déficits, de créer de la monnaie pour amoindrir le poids des marchés financiers. La baisse de la note des Etats-Unis par une des agences de notation, Standard and Poor’s, n’a donc pas fait monter ses taux d’intérêt. Le Japon qui, avec plus de 200% de dette par rapport au PIB bat des records, voit ses obligations souscrites par l’épargne intérieure.
Baisser les déficits ne se traduit pas, ipso facto, par la diminution du poids de l’endettement. Le cas de l’Italie est parlant. Depuis 15 ans, le budget est en « excédent primaire », les recettes sont plus élevées que les dépenses compte non tenu des intérêts de la dette, dette qui dépasse 100% du PIB. Avec les mesures d’austérité que le Parlement vient d’adopter – et le départ de Berlusconi – il est question de plafonner la dette à… 100% du PIB en 2022 ! Une des causes de ce résultat se trouve dans le… dénominateur, la croissance mesurée par le PIB. La croissance est atone pour cette année et diminuera l’an prochain du fait même des baisses drastiques des dépenses publiques. Le « remède » est un poison mortel à la fois économiquement, socialement et politiquement. De plus, il ne rassure pas les opérateurs sur les marchés financiers qui savent que sans croissance, sans création de richesses les intérêts de la dette ne seront pas payés. L’équilibre des finances publiques voulu par Fillon n’est qu’une vieille lune libérale toute imprégnée d’une idéologie mortifère que plus personne ne défend. L’objectif est devenu de conserver à toute force les trois « A » uniquement pour des motifs électoraux. La France voit déjà, sans dégradation de la note, ses taux d’intérêt augmenter. La baisse des dépenses publiques revendiquée par le gouvernement n’est pas une bonne nouvelle. Ni pour la croissance, ni pour la dette et plus encore pour nous…
Nicolas BENIES.