Nuits câlines sans être de Chine

L’accordéon au cœur de la Corrèze pour des nuits de nacre à Tulle.

nuits-de-nacre27 ans que Tulle vit une histoire d’amour avec l’accordéon, appelé aussi le « piano du pauvre », un pauvre capable de faire découvrir des paysages bizarres, de la musique dite classique au jazz en passant bien sur par la valse musette.
L’accordéon a eu ses figures de proue, comme Jo Privat longtemps associé au Balajo du côté de la Bastille. Frémeaux et associés lui rend un hommage mérité dans un coffret de trois CD : « Le gitan blanc – l’accordéoniste de Paris, 1945 – 1958 ». Il fera sans doute partie de cette thématique du festival qui veut aussi « Raconter l’accordéon ».
C’est un instrument qui marque la culture française bien qu’il soit d’origine allemande. La valse musette «est largement associée au « jazz manouche ». Le premier métier de Django Reinhardt, avant l’incendie de sa roulotte en 1929, fut banjoïste de ces orchestres qui faisaient danser Parisiennes et Parisiens. Après la guerre et jusque dans les années 60, on allait danser le samedi soir dans ces « dancings » aux grandes pistes en bois pour permettre toutes les figures et toutes les rencontres. C’est une image qui s’est perdue. Une mémoire en friche.
« Les primitifs du futur », invités aussi à ce festival, ont voulu faire renaître cette tradition, en la bousculant comme il se doit pour la garder vivante, sans répéter le passé. Frémeaux et associés a réédité récemment deux de leurs albums, « Cocktails d’amour » et « World Musette », un titre programme.
Pour leur prestation, le jeudi 18 septembre, une sorte d’inaugurationn du festival, ils seront en compagnie de Thierry Roques, accordéoniste né en 1960 dans le Lot et personnalité centrale de cette année. Il sera partout et avec tout le monde. Une sorte de fil d’Ariane pour faire la démonstration de toutes les facettes d’un instrument trop souvent décrié. Il faudrait pourtant réécouter Gus Viseur pour s’apercevoir qu’il peut swinguer…
Les lycéens ne seront pas publiés. Un concert et une rencontre leur seront dédiées pour découvrir ces musiques et les musiciens. Le jazz manouche sera bien sur de la partie avec Ludovic Beier, le bal guinguette sans oublier l’apéro ou le marché des producteurs de pays.
Bref, un festival qui brillera de tous ses feux pour enflammer de nouveau la ville de Tulle du jeudi 18 au samedi 20 septembre.
Ne manquez pas ce rendez-vous, d’autant que l’été indien le rendra encore plus lumineux.
Nicolas Béniès.
« Les Nuits de Nacre », « raconte-moi un accordéon », Tulle du 18 au 21 septembre, renseignements 05 5520 28 54, www.nuitsdenacre.com
CD cités : « Jo Privat, 1945 – 1958, le gitan blanc – l’accordéoniste de Paris », livret de Dany Lallemand ; « Blues Story & the new blue 4 », « World Musette, c’est la Goutte d’Or qui fait déborder la valse ! », Les Primitifs du Futur, Frémeaux et associés.

Le coin du polar (2)

Une nouvelle Grande détective.

Jane Casey, auteure née à Dublin, s’est fait connaître en 2011 en France par « Ceux qui restent », une enquête sur une disparition et les souvenirs d’une sœur traumatisée par cette absence.
casey-parlefeu« Par le feu », son deuxième roman, inaugurait une série, celle des enquêtes de Maeve Kerrigan, lieutenant de police de Scotland Yard à Londres. Cette nouvelle grande détective tient de l’auteure. Elle est née en Irlande, a fait ses études à Oxford et vit à Londres. Elle n’est, de ce fait, ni irlandaise – elle ne parle pas la langue – ni londonienne. Les exilés partagent la même ambiguïté, ils ne sont chez eux nul part.
C’est aussi une femme dans la police. Minoritaire parmi des hommes machistes, elle doit subir toutes les réflexions désagréables et sexistes. L’auteure n’en abuse pas. Tous les jours, il est loisible, dans les transports en commun, d’entendre des réflexions pires que celles rapportées. L’ire de Maeve est, quelque fois, un peu exagérée.
« Par le feu », désormais disponible en 10/18, première enquête de notre lieutenant de police, prend pour point de départ un tueur en série surnommé « Le Crémateur » par les média parce qu’il brûle ses victimes après les avoir rouées de coups. Rebecca Haworth qui semble la dernière victime sera un cas à part et point de départ de la véritable investigation. Une histoire de jalousie, d’amour, de violences conjugales, de domination mais aussi de drogues qui touche les milieux aisés de la capitale.
Jane Casey ne nous cache rien de la vie sentimentale de Maeve, personnage qui fait partie intégrante de l’histoire par le jeu littéraire de faire parler l’ensemble des protagonistes. Il faut avouer que c’est quelque fois un peu répétitif et un peu bavard.
casey-ceuxquirestent« Dernier jugement » permet de retrouver Maeve qui a déménage dans un autre quartier de Londres, un peu plus abandonné que le précédent – « Par le feu » décrit un intérieur cossu – avec des loyers plus bas, problème essentiel dans la capitale britannique.
Une intrigue curieuse pour ce « Dernier jugement ». Un criminel de haut vol revient pour retrouver sa fille de 14 ans enlevée par un pédophile via les annonces par Internet. Original point de départ qui n’est pas suffisamment travaillé. La complexité n’est pas creusée. Plus exactement, elle est trop vite abandonnée pour une violence sans objet.
Les aventures de Maeve continue, amoureuse qu’elle est de son collègue Rob. Son voisinage va se révéler plus dangereux qu’elle ne le supposait.
Au total, cette série se lit avec plaisir tout en se disant que si l’auteure avait un peu élaguée son texte, éviter du bavardage, l’enquête aurait pris de l’épaisseur. Il faut savoir en dire moins et faire confiance à l’intelligence du lecteur. Nous attendons la suite pour savoir ce que deviendra cette grande détective…
Nicolas Béniès.
« Ceux qui restent », « Par le feu », Jane Casey, 10/18 ; « Dernier jugement », Jane Casey, Sang d’encre/Presses de la Cité. Le tout traduit par Cécile Leclère.

La perfection… presque

Diva du jazz, Sarah Vaughan.

vaughan2Sarah Vaughan, très tôt, soit dés son entrée dans l’orchestre d’Earl Hines, elle a à peine 20 ans, fut surnommée « Sassy ». Alain Gerber, dans sa présentation, traduit ce surnom par « l’Effrontée ». Mon dictionnaire de « Slang » rajoute « aguichante » et « Osée ». Elle répondit à ces définitions sa vie durant, allant même mettre en scène un érotisme assez poussé. Elle le pouvait. Outre sa tessiture vocale, semblable à celle des divas d’Opéra, elle savait jouer de tous ses charmes.
« The Divine », son deuxième surnom, était tout autant mérité. Elle fut divine de par ses talents, son génie qui transformait les chansons, les « standards » pour en faire du Sarah Vaughan. Elle est de la même stature que tous les autres génies du jazz. Certains thèmes à la mode lui ont résisté comme ces chansons des Beattles décidément trop loin du jazz. Continuer la lecture

Faut rigoler….

Henri Salvador, pataphysicien borisien et vianesque.

salvadorDéjà le volume 4, pour cette « Intégrale Henri Salvador », déjà les années 1956-1958 qui voient la collaboration avec Boris Vian prendre réellement son envol. Tous les rythmes vont y passer, rythmes à la mode en ces années de fin de la IVe république, Calypso, jazz, chansons sentimentales et rock pour se terminer par le charleston qui fait un retour de mode. Pour corser ce tout, Henri chante aussi en anglais. Je ne sais si ces 45 tours se sont bien vendus outre atlantique mais le résultat vaut le détour d’oreille. Continuer la lecture

Mai juin 1962 à Paris…

Paris, Ville Lumière du jazz.

La fin des années 1950 et le début des années 60 sont des années fastes pour le jazz, la soul music comme le rock. Paris, capitale des capitales, prend toute sa place dans ce déferlement de création. Le public parisien fera du « Genius », Ray Charles, la grande vedette, la star de la soul music qu’il sera jusqu’au bout de sa vie.
raycharlesCette collection, « Live in Paris », fait la preuve de sa nécessité majeure à la fois pour faire un travail de mémoire fondamental et pour redonner vie à ces concerts qui ont marqué de son empreinte indélébile toute une génération.
Ray et son orchestre de jazzmen se produisent au Palais des Sports – c’est complet – les 20-21 octobre 1961. Une date sanglante pour la France. Le FLN a décidé de manifester et la répression fut sanglante. La Seine allait charrier des corps d’Algériens morts et Charonne allait laisser sur le carreau des manifestant(e)s venu(e)s protester contre cette résurgence d’une période que les contemporains croyaient appartenir au passé. Michel Brillié, responsable de ces publications, cite une extrait de l’autobiographie de Ray Charles qui prétend – faut-i le croire ? – avoir reçu des assurances du FLN que ses concerts ne seraient pas perturbés. Il arrive que la réalité fasse preuve de plus d’imagination que l’imagination la plus fertile. Curieuse relation entre jazz et politique dans la France de ce temps où les jeunes manifestants étaient aussi des jazzfans conséquents. Continuer la lecture

Le coin du polar (3)

Deux classiques réédités.

Folio Policier a eu la bonne idée de remettre à la disposition des lect(rice)eurs des romans policiers dits « culte » – c’est le titre générique de ces rééditions.
Deux sont disponibles avec une présentation inédite d’un autre auteur de polar.
larson-cercleceltique« Le cercle celtique » bénéficie ainsi d’une sorte d’introduction de Heinrich Steinfest, auteur notamment de « Requins d’eau douce », polar parodique qui ne parle pas à un lecteur français. Il s’interroge sur les raisons de la capacité d’innovation du roman policier et du polar. Il pense qu’elle se trouve dans la nécessité d’être lu par le plus grand nombre, « de faire populaire ». Mais pas populiste… Intelligemment, au lieu d’expliquer l’intrigue, il rajoute un peu de mystère. Pour obliger le lecteur à aller lire. Il ne regrettera pas le voyage. Partir sur un voilier est risqué. Il faut suivre des consignes que donne l’auteur, Björn Larsson, professeur de littérature française dans le civil. Il saura pourquoi il ne fait jamais prendre le morceau de pain brûlé.
simonin-touchezpaaugrisbi« Touchez pas au grisbi » est sans doute plus connu des lecteurs francophones, surtout par l’intermédiaire du film. Patrick Pécherot, né en 1953 au moment où paraît ce roman dans la Série Noire, auteur d’une trilogie sur le Paris de l’entre deux guerres, brosse le tableau de ce milieu des années 1950 où les truands ont une langue spécifique, un argot construit dans les faubourgs parisiens. Albert Simonin a alors près de cinquante ans et sa carrière commence au moment où celle de ses héros truands s’achève. Michel Audiard, dans ses dialogues pour le cinéma, saura s’inspirer de ce langage imagé qui a disparu avec la mémoire de la Capitale.
Ce livre là est plus qu’un roman policier, c’est une balise du passé, de ce passé qu’il faut connaître pour le dépasser.
Lire « Touchez pas au grisbi », c’est se plonger dans l’Histoire de Paris.
Nicolas Béniès.
« Le cercle celtique », Björn Larsson, traduit par Christine Hammarstrand, présenté par Heinrich Steinfest, traduit par Corinna Gepner ; « Touchez pas au grisbi », Albert Simonin, présenté par Patrick Pécherot, Folio Policier, « Polar Culte ».

Marché et éthique

Un cri d’alarme.

grosman-lenglet-menacessurnos-neuronesMaladie d’Alzheimer, Parkinson… Des termes qui font frissonner de peur, suinter l’angoisse. Comment se soigner ? L’industrie pharmaceutique en joue pour vendre ses remèdes. Elle s’inscrit dans une « industrie du soin » comme la nomment Marie Grosman et Roger Lenglet dans cette enquête, « Menace sur nos neurones ». Ils font aussi le procès de tous ceux qui en profitent comme l’indique le sous titre.
Notre monde est « neurotoxique ». Tous les ingrédients se trouvent dans l’accumulation des déchets, dans les matériaux utilisés, dans les conséquences d’une volonté de faire du profit. Par exemple, l’amiante. Sa nocivité est connue depuis au moins les débuts du 20e siècle sans empêcher son utilisation massive dans toutes les constructions, dans les colles… Il faudrait, suivant l’industrie du bâtiment, désamianter plus de 80% des constructions. Travail de titan refusé par cette industrie qui ne veut pas respecter les normes, pourtant nécessaire, édicter par les gouvernements successifs, normes qui réduiraient leur profit. Du coup, les populations, nous, vous sommes obligés de vivre avec l’amiante et de risquer le cancer qui se propage. Continuer la lecture

Le coin du polar (1)

Le polar psychanalytique.

Je ne sais si F.R. Tallis a des ancêtres mais il est train de donner ses lettres de noblesse à un nouveau domaine du polar, la psychanalyse.
Catherine Gildiner pourrait servir de pionnière du genre. Elle se servait des codes du polar pour mettre en scène les controverses qui agitent le monde de la psychanalyse. Elle donnait aussi un corps, en quelque sorte, aux concepts de Freud. Ces assassinats, prétextes nécessaires aux polars, permettaient d’expliquer les raisons de l’abandon du concept de « Séduction » – titre de son roman paru aussi chez 10/18 en 2010 – par Freud. Une manière intelligente de faire pénétrer le lecteur dans le débat autour de la pensée de Freud.
F. R. Tallis se situe lui au cœur de l’analyse. Il fait du lecteur, l’analyste. A lui de comprendre le narrateur, de le décrypter.
tallis-chambredesames« La chambre des âmes » se situe à la fin des années 1950. Une façon de faire le point – et de critiques – des méthodes utilisées par les psychiatres de l’époque. Ils avaient tendance à jouer les apprentis- sorciers, à se prendre pour Dieu en imposant des idées à leurs patients. Les électro chocs, on le sait aujourd’hui, ont détruit des cerveaux.
Le narrateur est un psychiatre, James Richardson, qui a tendance à vivre avec des ombres, des esprits. Qui semble mal vivre ou plutôt de faire partie d’un monde à part. Il diffuse un malaise qui possède le lecteur. Dans un premier temps, tout à l’air logique…
Le coup de théâtre final, un coup de génie, vous obligera à reprendre l’histoire au début avec une autre grille de lecture…
Nicolas Béniès.
« La chambre des âmes », F.R. Tallis, traduit par Eric Moreau, Grands détectives, 10/18.

New York vue par Colson Whitehead

Du côté du New York d’hier et de demain.

Colson Whitehead fait partie de la nouvelle génération d’écrivains new-yorkais. Comme le montre les premiers films de Woody Allen, New York est une ville à part, à la fois américaine, européenne et autre chose encore. Une Ville qu’il est impossible d’ignorer. Elle provoque des montées d’amour fou et de haine incontrôlée. Une Ville-Monde ! Elle génère un environnement particulier dans un enchevêtrement de liens historiques, sociaux, architecturaux. Whitehead – drôle de nom pour un écrivain africain-américain – suit les traces de Philip Roth pour raconter des histoires de cette ville en éternel mouvement, en éternel recommencement. A New York, le passé peut s’effacer par des destructions massives. Des immeubles entiers partent en fumée, remplacés par d’autres pour provoquer cette « inquiétante familiarité » dont parle Freud à propos des œuvres d’art. Continuer la lecture

Le coin du polar (2)

Une nouvelle Grande détective.

Jane Casey, auteure née à Dublin, s’est fait connaître en 2011 en France par « Ceux qui restent », une enquête sur une disparition et les souvenirs d’une sœur traumatisée par cette absence.
« Par le feu », son deuxième roman, inaugurait une série, celle des enquêtes de Maeve Kerrigan, lieutenant de police de Scotland Yard à Londres. Cette nouvelle grande détective tient de l’auteure. Elle est née en Irlande, a fait ses études à Oxford et vit à Londres. Elle n’est, de ce fait, ni irlandaise – elle ne parle pas la langue – ni londonienne. Les exilés partagent la même ambiguïté, ils ne sont chez eux nul part.
C’est aussi une femme dans la police. Minoritaire parmi des hommes machistes, elle doit subir toutes les réflexions désagréables et sexistes. L’auteure n’en abuse pas. Tous les jours, il est loisible, dans les transports en commun, d’entendre des réflexions pires que celles rapportées. L’ire de Maeve est, quelque fois, un peu exagérée.
« Par le feu », désormais disponible en 10/18, première enquête de notre lieutenant de police, prend pour point de départ un tueur en série surnommé « Le Crémateur » par les média parce qu’il brûle ses victimes après les avoir rouées de coups. Rebecca Haworth qui semble la dernière victime sera un cas à part et point de départ de la véritable investigation. Une histoire de jalousie, d’amour, de violences conjugales, de domination mais aussi de drogues qui touche les milieux aisés de la capitale. Continuer la lecture