Le coin du polar


Vrai-faux polar.

« La légende de Bruno et d’Adèle », titre mystérieux, se situe à Tel-Aviv. Le commissaire Yona Merlin – une référence au roi Arthur ? – enquête sur une série de meurtres signés par des graffitis qui sont, apprend-on via une jeune fille de 17 ans, Zoé, extraits de l’œuvre de Bruno Schulz, un des grands auteurs sous estimés, assassiné en 1942. Les victimes expiatoires d’une même famille payent les turpitudes d’un ancêtre. Les meurtriers sont à la fois décalés et attachants dans la grande ville administrative d’Israël. Amir Gutfreund (1963-2015), auteur de « Les gens indispensables ne meurt jamais » (Folio), décrit la ville ignorée, celle des quartiers défavorisés comme on dit, qui recèlent des trésors d’intelligence pour interroger les politiques gouvernementales.
Dans ce roman se mêlent les références littéraires à l’œuvre de Schultz, l’enquête policière, les réminiscences de la Shoah, les réflexions des meurtriers, un pan de l’histoire du sionisme, des gangsters juifs qui exploitent d’autres Juifs, la maffia russe qui arrivent en Israël après la chute du Mur de Berlin, le tout dans cet Etat étrange où personne en se sent à sa place. Les liens entre les personnages, un triangle de détectives : Yona, Zoé et un faux-vrai journaliste Raï Tsitrin, spécialiste des graffitis qu’il recherche dans les décombres de la ville, permettent de créer une sorte de rationalité mystérieuse autour de cette quête de la rédemption par la vengeance. Un vrai polar, un roman d’ombres et sombre sur la réalité de notre monde. Un grand livre simplement.


Machinations à Londres.

1829 est la date de naissance de la police officielle à Londres. Elle avait été précédée par une sorte de police privée financée par des Lords. Un Etat dans l’Etat que l’Etat ne pouvait pas accepter. En ce temps-là du moins. Les « Bow Street Runners » était le nom de cette police privée. Pyke en fait partie. Sans prénom, il ignore ses origines. Il tombe dans une machination fomentée par Lord Edmonton combattue par une autre machination provenant de l’intérieur de sa milice qui lui fera visiter la célèbre prison de Newgate. « Les derniers jours de Newgate » est le premier roman de Andrew Pepper, plein de références à d’autres auteurs de polar, notamment Michael Connelly, tout en démontrant le savoir-faire de l’auteur qui se manifeste dans la découverte d’une dernière manipulation…

Albanie, traditions et modernité
La route de Nord, dans l’Albanie naissante après 1919, est remplie de légendes, de fantômes, d’angoisses résultante de traditions. Un assassinat est commis au printemps 1924 de deux jeunes Américains. Pourquoi ont-ils été assassinés ? L’intrigue mêle plusieurs niveaux. Le contexte : les dirigeants de Tirana – la Capitale – veulent moderniser le pays à marche forcée. Ils se heurtent au conservatisme, pas toujours dénué de fondement, de ces Montagnards du Nord et ce choc de cultures augmente l’intérêt de l’enquête. Les réactions du gouvernement américain qui envoie un bateau de guerre avec les complications diplomatiques qui en découle et, enfin, l’enquête policière confiée à un certain Hughes Grant. Un pays et une période quoi restent, souvent, à découvrir. « Les assassins de la route du Nord » font la preuve qu’il est possible de construire un roman policier et de servir l’Histoire en la mélangeant AUX légendes. Anila Wilms s’est abreuvée à toutes les mamelles de la littérature albanaise.
Nicolas Béniès.
« La légende de Bruno et d’Adèle », Amir Gutfreund, traduit par Katherine Werchowski, Gallimard/Du monde entier ; « Les derniers jours de Newgate », Andrew Pepper, traduit par Daniel Lemoine, 10/18 Grands détectives ; « Les assassins de la route du Nord », Anila Wilms, traduit de l’allemand par Carole Fily, Actes Sud/Actes noirs.