Une histoire de l’art

Bonne année 2018 : encore des cadeaux à (se) faire

L’art a-t-il une histoire ? On sait que le progrès en art est une invention calamiteuse de certains théoriciens en mal d’idéologie, mais la succession des Écoles a-t-elle encore un sens ? Et l’art lui-même quel « sens » prend-il dans notre époque de remise en cause profonde de toutes les idéologies ? Florence de Mèredieu, qui ne craint pas de porter un prénom plutôt féminin et un nom qui fleure son origine chrétienne, répond à toutes ces questions par la négative. Dans cette somme dont la première édition remonte à 1994, « Histoire matérielle et immatérielle de l’art moderne et contemporain » – une édition revue, corrigée, augmentée pour cette parution de 2017-, il passe en revue 150 ans de créations artistiques. Moderne ? L’époque commence en 1874 par les Impressionnistes, premières réflexions sur la matière – nom générique, le matériau n’étant qu’une de ses manifestations -, la lumière, la photographie et se continue par le « contemporain » soit, pour lui, tout ce qui se fait aujourd’hui sans échelle de valeurs a priori, sans idéologie dit-il. Tout au long de ses descriptions, de ses analyses, on se demandera si cette absence est possible.

L’intérêt de son approche réside dans le refus de considérer les constructions d’Écoles qui sont souvent dues aux plumes de critiques qui cherchent à réunir, sous une même appellation, des artistes différents. Il veut insister sur la singularité de chaque créateur et rechercher des liens qu’il voudrait inédits entre des artistes via les techniques, les matériaux ou les pigments utilisés. Toutes les sciences – physique, chimie, mathématique… – comme les sciences sociales – sociologie, psychologie, psychanalyse et, bien sur, l’Histoire – sont sollicitées pour approcher les arts différents qui se succèdent. Histoire des techniques, des couleurs, de la lumière en écho aux formes du travail artistique.
La « reproduction » dans ce 21e siècle qu’il qualifie de « siècle de l’image » joue un rôle nouveau. Walter Benjamin assimilait la reproduction à la marchandise faisant perdre à l’œuvre d’art son « aura » alors que le Bauhaus organisait des performances – le terme sera beaucoup utilisé – jouant sur les effets d’une succession d’images. Cette mise à plat, au sens strict, ouvre la voie à l’immatériel, « au concept et au langage comme œuvre », aux « immatériaux », marqueurs de l’art contemporain.
Florence de Mèredieu propose, à l’instar du sémiologue Umberto Eco, une « Œuvre ouverte », non délimitée. Il milite pour une « pensée nomade » et d’un corps de référence conceptuel « flottant », en utilisant une « boîte à outils », des concepts empruntés principalement à Barthes ou Foucault comme aussi aux artistes eu-mêmes. Il sera discuté l’importance qu’il donne aux « sensations » face au « sens » d’une œuvre, une interrogation parmi d’autres.
Nicolas Béniès.
« Histoire matérielle et immatérielle de l’art moderne et contemporain », Florence de Mèredieu, Larousse/in extenso.