Jazz quand tu nous tiens…

Chanteuse, un curieux destin.

Un cri pour débuter, d’alarme, d’alerte. Les programmateurs et programmatrices semblent resté-e-s attaché-e-s aux styles que producteurs et distributeurs leur proposent sans chercher à savoir si, dans d’autres cases, d’autres boîtes, il n’existe une perle qui ferait la nique à la plupart des chanteuses dites de variété d’aujourd’hui.
Il serait temps qu’il et elles sortent de leur tour de triage et regardent les réalisations qui s’agitent sous le terme « jazz », un terme qui fait peur. Faudrait-il l’appeler « musique » pour lui trouver une porte d’entrée dans ce château-fort ? Musique certes mais jazz indique des filiations, des mémoires partagées.
Léa Castro a une voix qui devrait lui donner l’accès à tous les médias pour lui permettre d’avoir un succès mérité. Il suffit de mettre sur sa platine « Here comes the sun », de George Harrison pour s’apercevoir de ce que le public potentiel rate.
Son quintet est nettement un quintet de jazz, Antoine Delprat au piano – un peu au violon -, Rémi Fox aux saxophones, Alexandre Perrot à la contrebasse et Ariel Tessier à la batterie, quintet qui lui donne la réplique nécessaire. L’influence coltranienne est présente. Le décalage de la voix et des envolées du quartet est pour beaucoup dans l’intérêt de l’album. Ce devrait être considéré comme un plus et non pas facteur de rejet. Les musiques entendues « dans le poste » sont trop souvent des musiques convenues qu’il conviendrait de combattre par celle-là notamment.
Le tout est homogène même un peu trop. Pour le jazz, il faudrait un peu plus de dérapage, de colère, d’étrangetés. « Roads », routes se prend avec plaisir mélangeant les références, brisant les frontières, luttant contre une définition imbécile de l’identité ou de la pureté. L’Afrique fait aussi partie de ces routes comme Billie Holiday…
Nicolas Béniès.
« Roads », Léa Castro quintet, NEUKLANG/Harmonia Mundi