Cécile McLorin Salvant, deuxième

Une vocaliste de notre temps et tourmentée.

Cécile McLorin Salvant est née à Miami (en Floride), il y a 26 ans. Elle a fait des études de droit en France et a étudié la musique baroque en commençant sa carrière de chanteuse avec Jacky Terrasson pour son album « Gouache ». Son album de 2013, « Woman Child » (Universal) a fait un succès. Depuis, elle s’est produite dans tous les festivals, entourée d’une équipe de « marketing men » qui ont fait penser aux « gros bras » dont Sinatra aimait à s’entourer. Très désagréable.
Entourage qui ne peut faire oublier la voix. Une voix c’est vrai flexible, capable de sautes qui la font ressembler à la clarinette basse de Eric Dolphy dont elle n’a pas – encore ? – la volonté d’aller toujours plus loin, vers l’imprévu, l’aventure, se laisser aller vers les « fausses notes » pour franchir toutes les limites.
Parmi les vocalistes actuelles, cette franco-américaine qui vit désormais à Harlem – un Harlem réhabilité où la quiétude règne – est, sans nul doute, la plus originale. Son nouvel album, le deuxième donc, « For one to love » – une sorte de mélange de recherche du prince charmant – l’amour avec ce grand A métaphysique -, de glissements vers le plaisir et le désir d’être reconnue, aimée pour elle-même avec tous ses défauts. Une sorte d’autoportrait renforcée par ses dessins qui orne la pochette et le livret intérieur.
Ses influences, hormis évidemment la musique baroque – difficile d’oublier sa formation -, s’entendent encore quelque fois un peu trop, Sarah Vaughan surtout. Une référence difficile. « Sassy » a été la plus grande technicienne de cet art difficile. Mais d’autres fantômes hantent aussi son chant.
Son trio, classique, piano, Aaron Diehl qu’il faut entendre entre Bill Evans et Oscar Peterson pour résumer un peu brutalement, basse, Paul Sikivie, batterie, Laurence Leathers, répond et interroge pour mettre en scène compositions personnelles de la chanteuse, standards et même « Le mal de vivre » de Barbara pour indiquer qu’elle ne se refuse rien et n’oublie pas ses années françaises.
Il lui reste à rompre les amarres et partir vers des contrées inexplorées.
Tel que, un album qu’il faut écouter.
Nicolas Béniès.
« For one to love », Cécile McLorin Salvant, Mack Avenue, distribué par Harmonia Mundi.