Un festival… des festivals… de jazz

Petit tour de France via les festivals de jazz.

Le jazz est une musique de la transe – de ce corps qui bouge, qui explose – et de l’esprit. Une combinaison inédite dans l’histoire de l’esthétique. La performance est partie prenante de cette musique qui ne se goûte véritablement que dans la liberté de créer par la rencontre avec le public. Elle se vit « live », en direct et en vie.

Les festivals sont des moments essentiels de cette fusion entre les musicien(ne)s et les publics. Beaucoup atteignent un âge respectable, comme Marciac, qui fête sa 36e année (du 26 juillet au 15 août), Vienne, créé en 1981 (du 28 juin 13 au 13 juillet, des dates pas très respectueuses pour les enseignants et les personnels de l’Éducation nationale qui doivent corriger le bac comme les élèves qui le passent), Strasbourg, 24e édition (du 2 au 10 juillet), d’autres débutent, comme Jazz en Baie, deuxième essai d’une programmation qui réunit quelques têtes d’affiche… En cette période de baisse du pouvoir d’achat, de remises en cause des acquis sociaux, des concerts gratuits participent d’un mouvement de foule vers des contrées étranges. Les lieux de vacances sont souvent aussi des lieux de festival.

Sonny Rollins, 83 printemps, continue de se produire sur les scènes et sera présent en France. Il arrive que ses concerts offrent un moment de grâce qu’il est l’un des seuls à pouvoir délivrer. En a-t-il encore la capacité ? Wayne Shorter, saxophoniste et compositeur, fête ses 80 ans – « 80th anniversary tour », personne ne sait combien de temps durera cette tournée – avec un album qui défraie la chronique et une prestation qui devrait faire la démonstration qu’il n’a rien perdu de son invention. Il faut entendre le « son » Wayne Shorter. La grande révélation de cette année sera une vocaliste – déjà entendu aux côtés de Jacky Terrasson pour son album « Gouache » -, Cecile McLorin Salvant.

Trois festivals ont une place particulière dans mon cœur. « Jazz à Junas », du 13 au 20 juillet, se déroule dans les carrières. Cette pierre est celle qui a construit Nîmes. Nous sommes dans le Gard et les menhirs se dressent construisant un espace particulier. Une fois entré, le public se trouve « ailleurs », un ailleurs qui résonne de jazz depuis 20 ans. Un parcours étonnant de ces jeunes gens et jeunes filles qui ont voulu, au départ, faire vivre leur village. Une grande réussite. Ils et elles sont devenu(e)s des adultes tout en conservant leur amour du jazz, des rencontres – la spécificité de la programmation, un pays, une ville invité(e) – pour fêter « 20 ans de rencontres » ; c’est le thème de cette année. Daniel Humair, batteur et suisse, un habitué, a peint les nouveaux vitraux du temple, Jan Garbarek et Trilok Gurtu sont invités comme John Taylor (pianiste) et Stéphane Kerecki (le bassiste le plus musical) livreront le mystère entretenu de leur conversation, Steve Swallow avec Carla Bley, Paolo Fresu et Bojan Z., tout un art du duo, de la fraternité. Les rues du village seront rebaptisées des noms des musicien(ne)s de jazz…Animations gratuites, films…

« Souillac en jazz », dans le Lot, qui fut baptisé « Sim Copans », du nom de mon vieil ami qui nous a quittés un jour de février 2002 et qui fut le véritable créateur des émissions de jazz à la RTF, nom du service public après la seconde guerre mondiale. L’an dernier, un hommage lui a été rendu… Pour cette 38e édition, Michel Portal, Daniel Humair pour les talents confirmés se produiront aux côté de Vincent Peirani, accordéoniste judicieux (il faut écouter son album chez ACT, « Thrill Box »), Émile Parisien et ceux de l’entre deux Roberto Fonseca et Renaud Garcia-Fons. Une sorte de « contrat de générations »… Pendant une semaine, du 15 au 21 juillet, pour cette 38e édition, des concerts gratuits, des animations pour faire aimer le jazz !

« Crest Jazz Vocal » a le même âge, 38 ans. Ne les fait pas. On le croît encore dans l’adolescence ou, mieux, en train de naître. La Drôme n’est peut-être pas le département le plus connu. Il est à l’abri des grandes vagues d’estivants. Les paysages sont magnifiques. Mis à part les Hollandais – qui sont partout -, il n’est guère fréquenté. Il faut, d’urgence, réparer cette injustice. C’est vrai que cette ville de Crest a un handicap, son maire s’appelle Hervé Mariton…

Le festival, sous la responsabilité d’une association, s’élargit, prend ses aises, diversifie les lieux pour tenter d’attirer un public plus nombreux. Des groupes qui commencent à se faire connaître comme Papanosh, le trio Reis (piano), Demuth (contrebasse), Wiltgen (batterie) pour une musique qui mêle toutes les influences (à écouter leur album chez Laborie) et d’autres plus connus comme Céline Bonacina, saxophoniste baryton ou Francesco Bearzatti. Je donnerai une série de conférence tous les jours du lundi (petite histoire du saxophone baryton) au samedi (les femmes du jazz, avec un film mardi, « New York, New York » pour aborder la question des femmes chef d’orchestre.

A vous voir…

Nicolas Béniès.

Article publié dans la revue de l’École Émancipée n° 42