Le coin du polar.


 Une bonne moisson.

James Lee Burke est l’un des grands écrivains vivants. Qu’il se serve du polar révèle la force de cette branche de la littérature mondiale. Son univers est noir, comme le monde qui nous entoure. Son succès conduit à traduire ses romans « de jeunesse ». « La moitié du Paradis » – c’est pire que l’enfer dit l’exergue et on ne peut que partager cette réalité – est son premier roman et date de 1965. Le contexte a totalement changé comme l’architecture du monde, le style n’est pas aussi affirmé qu’il l’est devenu mais on trouve déjà ce pessimisme total qui tourne autour de l’adage « le pire est toujours sur ». Intéressant de comparer le jeune romancier à celui qu’il est devenu. Déjà, il raconte la Louisiane et la Nouvelle-Orléans en particulier.

Jim Thompson (1906 – 1977) est un autre adepte du « noir c’est noir, l’espoir est mort », le rêve américain n’est qu’une illusion grossière, « Nous tous, écrit-il dans cette prière de fin de « L‘assassin qui est en moi », qui avons commencé la partie de cartes avec une mauvaise donne, qui espérions tant et avons obtenu si peu, qui voulions si bien faire et avons tant déçu. Nous tous. » Un auteur clé longtemps sous estimé.

Des Etats-Unis au Brésil, le même rêve, s’en sortir mais dans quel état ? La corruption n’est-elle l’apanage des grandes villes ? Bien sur que non. Patricia Melo dans « Le voleur de cadavre » nous transporte au Pantanal. Il rencontre la chance diabolique, un avion s’écrase avec de la cocaïne qu’il s’approprie et après il sombre dans les petits arrangements. Une fable sur le Brésil, ses hommes et femmes politiques, les accommodements avec l’éthique.

Don Wislow a déjà une longue carrière derrière lui. Son succès est récent. Dans « Cool », il prend pour base, Laguna Beach en 2005, 1967, 1976, retour à 2005 pour finir à Baja au Mexique la même année. Des « héros » déjà rencontrés dans « Savages », Ben, Chon et Ophelia qui, ici, trempent dans le trafic de drogues. Une sorte d’atavisme. Leurs parents y avaient aussi participé… Une écriture un peu plate, des dialogues qui se veulent fulgurants, une intrigue un peu faible. Mais « Cool » est totalement dans l’air de notre temps.

Passons du côté du froid. La Norvège comme il faut la voir. Un pays triste et mélancolique. « Noël sanglant » est surtout une présentation de l’inspecteur Lykke – la cinquantaine, une jeune épouse, une petite fille – et de son équipe. Du coup, l’intrigue passe au deuxième plan. Une intrigue déjà connue, déjà exploitée. Kjetil Try nous fait « poireauter » pendant une grande partie pour se décider à conclure rapidement. C’est dommage parce que la description de la vie quotidienne vaut la lecture.

Avez-vous déjà visité la Cathédrale de Reims ? Non, ce roman, « Et l’ange de Reims grimaça », est pour vous. Pas un vrai polar ni policier plutôt une mis en situation du monument pour le rendre vivant. De ce point de vue c’est une réussite. Pour le reste, les personnages font trop « série télé », sans consistance. L’intrigue est réduite à sa plus simple expression.

N. B.

« La moitié du Paradis », James Lee Burke, traduit par Olivier Deparis, Rivages/Thriller ; « L’assassin qui est moi », Jim Thompson, première traduction intégrale par Jean-Paul Gratias, Rivages/Noir ; « Le voleur de cadavres », Patricia Melo, actes noirs/Actes Sud ; « Cool », Don Wislow, traduit par Freddy Michalski, Seuil ; « Noël sanglant », Kjetil Try, traduit par Alex Fouillet, Folio/Policier ; « Et l’ange de Reims grimaça », Jean-Pierre Alaux, 10/18 Grands détectives.