Notre soleil noir… le polar

Le coin du polar

 

Il ne faut jamais bouder le plaisir d’un nouveau James Sallis, même s’il s’agit d’une réédition en poche. « L’œil du criquet » – un titre énigmatique comme souvent chez lui – est une des dernières « enquêtes » de Lew Griffin, son double détective Noir, qui le conduit via les cloaques construits par cette société blanche et capitaliste vers la rédemption. Une quête de la réconciliation avec soi-même, ses enfants, ses amis sans oublier la révolte qui reste présente. En arrière-fond cette Nouvelle-Orléans omniprésente malgré les destructions. La Ville elle aussi résiste. Un des grands écrivains tout court et qui sait tout ou presque du blues et du jazz.

Marc Villard, auteur français, s’alimente lui aussi à ces musiques étranges venues d’ailleurs. Pour ce recueil de nouvelles il mêle Histoire – la mort de Martin Luther King pour la première qui donne son titre générique « Un ange passe à Memphis » – avec l’actualité la plus brûlante, en l’occurrence les « subprimes » avec toutes leurs conséquences dramatiques. Déjà dans les années 1970, les banques poussaient à la surconsommation de crédit à des taux usuraires… Une manière de mêler polar et économie sur fond de meurtres organisés par le FBI.

Alicia Giménez Barlett est enseignante à Barcelone et sait faire de son inspectrice, Petra Delicado – un nom comme un programme – un personnage à part entière, vivant. Elle essaie de concilier vie de famille – une famille recomposée avec trois divorces chacun, si j’ai bien compté, pour ce nouveau couple – et enquête dans cette Catalogue, cette Espagne encore inscrite dans le poids des traditions catholiques. Intelligemment, dans « Le silence des cloîtres », elle oriente l’attention vers le passé de cette Espagne marquée par l’Inquisition, le franquisme et son histoire prégnante pour manier le coup de théâtre vers le cloître où tout se joue. C’est la 8e enquête de Petra.

Guillaume Prévost nous entraîne dans l’après Première Boucherie Mondiale, au moment où se négocie le Traité de Versailles pour « faire payer les Allemands ». Clémenceau est aux postes de commande. Il fait l’objet de menaces de mort pour dissimuler un vol qui ne pourra pas être découvert. Un vol parfait. Une leçon d’histoire et une enquête pleine de rebondissements de François-Claudius Simon dansant « Le bal de l’Equarrisseur ».

N.B.

« L’œil du criquet », J. Sallis, Folio/Policier ; « Un ange passe à Memphis », M. Villard, Rivages/Noir ; « Le silence des cloîtres », A. Giménez Barlett, Rivages/Thriller ; « Le bal de l’Equarrisseur », G. Prévost, 10/18.