Les trois premiers actes de la crise

La crise systémique du capitalisme en actes…

Les discours sur l’austérité nécessaire pour conserver les trois « A » des agences de notation envahissent notre quotidien. Ils ont comme objectif de faire croire à l’existence d’une seule politique et à construire une chape de plomb sur les alternatives. Or, ces politiques d’inspiration libérale non seulement ne sont pas légitimes parce qu’elles s’attaquent au plus grand nombre en déstructurant les solidarités collectives mais, de plus, elles échouent à combattre et la crise financière et la crise économique sans parler de la crise écologique et climatique. Le monde bascule et les dirigeants ne pensent qu’avec des outils du passé proche, incapables qu’ils sont d’imaginer un autre avenir. La faillite de ce capitalisme est pourtant éclatante. Une société incapable de donner un emploi à tous ses jeunes et une société qui crache sur le futur.

Pour comprendre la situation actuelle, il est nécessaire de revenir sur cette crise systémique qui délégitime toutes les modalités de fonctionnement de ce capitalisme qui se met en place dans les années 1980, marquées par la victoire idéologique du libéralisme économique. Il faut souligner dés l’abord que les forces de résistance de ce capitalisme dit libéral et financier sont importantes. Les derniers épisodes – les grandes scènes de l’acte III – en Grèce et en Italie le montrent. Une sorte de coup d’Etat des marchés financiers contre les gouvernements légitimes. En Grèce particulièrement, l’entrée de l’extrême droite est clairement dirigé contre les classes populaires et les manifestations du mouvement syndical et de celui des « Indignés ».

Début août 2011, les marchés financiers s’effondrent de nouveau. Un « krach lent » disent certains économistes. Un krach tout court et qui n’en finit pas. La crise financière connaît une nouvelle réplique. Une entrée en fanfare dans l’acte 3 de la crise systémique ouverte en août 2007, dont le centre de gravité s’est déplacé des Etats-Unis vers la zone euro.

L’acte 1 avait comme nom « subprimes » pour signifier l’escroquerie éhontée des banques. Elles ont prêté, à des taux usuraires, aux ménages américains qu’elles savaient incapable de payer. Elles ont « titrisé » ces prêts pour diffuser le risque et permettre la spéculation. La faillite des ménages s’est traduit par un effondrement de ces titres dévoilant un système financier à la fois corrompu et virtuel, incapable de voir le monde. Les ménages se retrouvaient à la rue. Les banques étaient menacées de faillite. Une seule grande banque disparaîtra, Lehmann Brothers le 15 septembre 2008. La scène centrale de ce premier acte. La suite, une récession trois fois plus profonde que celle des années 1930, avec un énorme recul du commerce mondial…. Le chômage ne cessera d’augmenter… Comme la précarité. Les banques commencent un mouvement de restructuration comme la plupart des grandes entreprises.

Les banques centrales d’abord, les Etats ensuite sont venus au secours des banquiers nationaux en leur fournissant des liquidités dont le système dans son ensemble n’avait pas besoin. Chaque banquier était sauvé et pouvait continuer comme avant. Dans quels domaines pouvait-il spéculer ? Deux pour l’essentiel. Les dettes souveraines et les matières premières. L’acte 2 s’ouvre donc en mai 2010, par la Grèce. Le pays ne peut plus faire face aux intérêts de sa dette. Les taux d’intérêt sur les marchés financiers ont énormément augmenté. Ils atteignent 26% sur deux ans – au même moment, l’Allemagne est à moins de 3% sur 5 ans. L’euro est en crise ouverte. Une nouvelle dimension de la crise qui s’ajoute aux précédentes. Le FESF – fonds européen de soutien financier – devient un des acteurs de cette farce. Aider la Grèce ? En fait, aider les banques à continuer d’engranger les intérêts de la dette. Plusieurs scènes – un peu redondantes, la pièce n’est pas très bien écrite – mettent en scène les dirigeants européens réunis en sommet pour constater leurs divergences. La Grèce s’enfonce dans la récession. Les autres pays, l’Espagne, l’Italie, le Portugal sont aussi menacés d’effondrement. Et les dirigeants parlent, parlent…

L’acte 3 s’inscrit dans le déroulement des deux premiers actes. Les dettes souveraines et les matières premières deviennent des facteurs de risque. Une nouvelle affaire secoue les marchés. Le trader de la banque UBS, Kweku Adoboli, a fait perdre à la banque suisse – sauvée en 2007 par l’Etat fédéral suisse – 1,7 milliard d’euros sur la spéculation sur les « trackers », les indices de matières premières. La conjonction de la crise des dettes souveraines et du retournement à la baisse des marchés de matières premières fait partie de la première scène de cet acte. Le scénario se met en place. La crise est d’abord bancaire. De nouveau, les banques sont menacées de faillite et sur une plus grande échelle que lors de l’acte 1. La faillite de Dexia est le clou de la scène 2 obligeant le gouvernement belge à nationaliser et le gouvernement français à recréer le Crédit Local de France qui avait disparu pour les prêts aux collectivités territoriales, via un accord entre la Caisse des Dépôts et la Banque Postale.

Les interventions étatiques en sont restées à la surface des phénomènes et n’ont en rien permis de résoudre les causes de cette crise. Ils jouent la nuit des morts vivants en voulant à toute force la survie du monde d’avant. Le processus récessif se met en place aggravé par les politiques d’austérité qui ferment toute sortie de crise. Les gouvernements n’ont tiré aucune leçon des actes précédents. Toutes les contradictions s’accumulent… La récession sera profonde… la pièce n’est pas finie ! Les populations accepteront-elles encore longtemps de payer cette crise qui n’est pas la leur ?

Nicolas Béniès.